C'est la lumière qui donne formes et
couleurs aux objets: c'est une connaissance que nous devons à la
physique.
Peut-être n'y a-t-on pas assez réfléchi: je crois que lorsqu'on
photographie, c'est une lumière que l'on capte. Quelle erreur de
penser qu'un cliché est fidèle! L'image nous trompe comme la réalité.
Que fait un aveugle pour tenter de l'appréhender? Il s'approche, la
touche, la palpe sous toutes ses faces. Pour nous qui n'en approchons
pas si près, ce que nous croyons être une vérité n'est qu'un
reflet: une apparence.
La lumière donne formes et couleurs: mais l'image de toutes mes
photographies est plate, noire et blanche avec une gamme intermédiaire
de gris. Il n'y a plus alors aucune différence fondamentale entre un
cliché conventionnel et une image non figurative: l'émotion seule a
une importance, c'est elle qui compte.
Bien sûr, je rêve de photographier la lumière, et je sais bien que
c'est impossible: les premiers musiciens voulaient peut-être
simplement reproduire les sons de la nature. D'autres ensuite les ont
organisés à leur façon: leur langage a été copié, critiqué, dépassé.
La photographie, surtout si on l'organise autour d'une gamme de gris,
d'une illusion de perspective, est aussi un langage: non pas celui de
la voix et de l'oreille mais celui de l'oeil et de l'abstraction.
1991
Ci-dessous:
Tache de pluie, 1994, Paris

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